, 2014, [en ligne], consulté le
11/10/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/prevoir-l-imprevu
La prospective scénarisée est considérée comme un produit de la guerre froide et de ses « war games ». Il s’agissait de permettre aux décideurs américains de se préparer, « à blanc », aux champs des possibles liés à l’utilisation de l’arme nucléaire, afin que les évènements, par leur caractère déconcertant, ne bloquent pas les décisions. Prévoir l’imprévu consistait alors à envisager des « plausibles » afin que des situations surprenantes ne viennent pas hypothéquer la capacité de passer à l’action.
Le déploiement plus large de la prospective au sein de l’entreprise privée est, quant à lui, souvent présenté comme associé à la stratégie déployée par la compagnie pétrolière Shell afin de s’assurer un avantage compétitif dans le contexte du choc pétrolier consécutif à la guerre du Kippour (1973). En effet, l’éventualité d’une cartellisation, ou du moins d’une augmentation importante du prix du brut ayant été envisagée dans le cadre de plans contingents, Shell a pu prendre des décisions plus rapidement que ses concurrents. Son service de prospective aurait ainsi également envisagé la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, la montée de la conscience environnementale, source de contraintes pour l’industrie pétrolière, l’émergence de la Russie postsoviétique et de l’économie chinoise (Cornelius, Van de Putte et Romani 2005). Prévoir l’imprévu consistait alors à établir des plans contingents à la réalisation d’avenirs plausibles afin d’éviter les pertes économiques liées à un temps de réaction trop long. Aujourd’hui, envisager le plausible afin de prévoir l’imprévu est au cœur des dynamiques internationales qui ont trait aux enjeux environnementaux. Dans ce cas, prévoir l’imprévu consiste à définir des avenirs de référence afin de nous permettre d’agir aujourd’hui, voire demain ou après-demain, pour éviter que se réalise un futur non désiré.