Prévoir l’imprévu

Par Jean-Paul VANDERLINDEN
Comment citer cet article
Jean-Paul VANDERLINDEN, "Prévoir l’imprévu", CERISCOPE Environnement, 2014, [en ligne], consulté le 25/04/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/prevoir-l-imprevu

Un exemple d’application d’une approche par la scénarisation des questions d’environnement dans un contexte de relations internationales est celui du GIEC. Dans le cadre du résumé pour décideurs du « Rapport spécial du GIEC – Scénarios d’émission », on peut notamment lire :

« Les émissions futures de gaz à effet de serre sont le produit de systèmes dynamiques très complexes déterminés par des forces motrices telles que la croissance démographique, le développement socio-économique et l’évolution technologique. Leur évolution future est hautement incertaine. Les scenarios sont des images diverses du déroulement possible du futur et ils constituent un outil approprié pour analyser comment des forces motrices peuvent influer sur les émissions futures et pour évaluer les incertitudes connexes. » (GIEC 2000)

Il s’agit dans ce cas-ci d’un exemple de scénarisation établi afin de faire face à une incertitude liée à la volition. En effet, ce qui est invoqué c’est la complexité des forces motrices en présence, dont l’évolution future est hautement incertaine en raison des choix humains. Ces scénarios, portant sur les émissions, sont ensuite utilisés comme données sur le forçage anthropique potentiel du système climatique. A partir des scénarios climatiques qui en découlent, il est possible d’en envisager les impacts potentiels. Au-delà du caractère formel et assez technique de l’établissement des scénarios par le GIEC, certains éléments méritent d’être soulignés.

Du point de vue des relations internationales, un tel exercice autorise le développement d’une représentation partagée des avenirs plausibles, eux-mêmes fonction de décisions restant à prendre. Il s’agit alors d’une manifestation de la scénarisation déductive, permettant d’envisager l’imprévu par l’analyse des forces motrices et des enjeux-clés. Du point de vue des relations internationales, un tel exercice permet également d’envisager collectivement différents avenirs plausibles en partageant un langage, l’identification des enjeux ainsi que la mobilisation des expertises existantes dans leur ensemble.

Alternativement, et c’est dans cette direction que se dirigent les travaux du GIEC actuellement, de telles scénarisations peuvent permettre de définir des points d’arrivée afin d’explorer les lieux de bifurcation. Dans une perspective de relations internationales, cette lecture de la scénarisation du GIEC se rapproche de ce qui peut être un objectif : définir les points critiques appelant une action commune.

Finalement, l’identification d’un avenir souhaité au sein du portefeuille d’avenirs plausibles résultant de la scénarisation pourrait mener à un mode de scénarisation incrémentale, qui faciliterait ainsi une action collective coordonnée en direction d’un futur désiré, non subi.