Taoufik DJEBALI,
"Pauvreté et politique sociale sous la présidence Obama : vers une tentative d'évaluation",
, 2012, [en ligne], consulté le
11/12/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part4/pauvrete-et-politique-sociale-sous-la-presidence-obama-vers-une-tentative-devaluation
De la crise financière à la crise sociale
La crise financière a débuté en 2007. Très vite, les décideurs politiques et économiques ont pris conscience de son ampleur et des dangers qu'elle comportait. Dans les mois qui ont suivi la faillite de quelques banques et assureurs américains, l'économie américaine - et mondiale - a commencé à montrer quelques signes de fragilité et de faiblesse. L’imbrication entre les domaines économique et financier n'a laissé aucune chance de reprise aux secteurs industriel et tertiaire après l'effondrement de la Bourse. Plus de quatre ans plus tard, l'économie mondiale peine à retrouver la croissance nécessaire et souhaitée et la question économique est devenue une question sociale pressante. Le nivellement social par le bas, l'appauvrissement des classes inférieures et ouvrières et la déliquescence des classes moyennes à travers tous les États-Unis sont devenus une caractéristique importante de l'Amérique en récession.
Le décrochage social avait déjà commencé avant cette Grande Récession. La réforme de 1996, qui a mis fin à la politique de protection sociale mise en place par le New Deal des années 1930 et la Grande société des années 1960, s'est avéré extrêmement néfaste pour les pauvres. La politique suivie par Bill Clinton, par exemple, visait à réduire les dépenses sociales et à renforcer les valeurs du travail. Ces mesures semblaient être efficaces, du moins pour leurs concepteurs et défenseurs, puisque des millions d'Américains avaient été « contraints » d'intégrer le marché de l'emploi. Mais ces résultats spectaculaires s'expliquaient surtout par le dynamisme économique qui a caractérisé la période Clinton et par le taux de chômage relativement faible durant la présidence de George W. Bush. Ainsi, il est clair que le taux de pauvreté a augmenté au moment où la croissance ne générait plus suffisamment d'emplois et qu'une grande partie des mères célibataires, visées par cette réforme, se retrouvaient en fin de droits. Quand l'économie a commencé à montrer des signes de faiblesse, le taux de pauvreté a augmenté, passant de 11,3 % (31,5 millions de personnes) en 2000 à 13,2 % (soit 40 millions de personnes) en 2008. Dans le même temps, le nombre d'enfants pauvres a suivi la même trajectoire puisque le chiffre est passé de 11 millions en 2000 à 13,5 millions en 2008. Parallèlement, le nombre de bénéficiaires de l'allocation familiale Temporary Assistance for Needy Families (TANF) n'a cessé de chuter durant la même période, passant de 6 millions à moins de 4 millions de bénéficiaires. Cette baisse et ce désengagement des pouvoirs publics étaient de mauvais augure pour les familles en détresse.