Pour une approche discursive des politiques publiques environnementales

Par Alice BAILLAT
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Alice BAILLAT, "Pour une approche discursive des politiques publiques environnementales", CERISCOPE Environnement, 2014, [en ligne], consulté le 19/04/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/part4/pour-une-approche-discursive-des-politiques-publiques-environnementales



« As politicians know only too well but social scientists too often forget, public policy is made of language » (Majone 1989 : 1)
 

Depuis la montée des préoccupations environnementales au début des années 1970, relatives notamment à la gestion des territoires et des ressources naturelles, et plus récemment aux impacts du changement climatique sur les sociétés humaines, l’environnement n’a cessé de faire l’objet de nombreux débats politiques et scientifiques. Les questions environnementales ont ainsi engendré des réseaux d’influence et des interactions entre acteurs de nature et d’échelles différentes, porteurs d’intérêts divergents et parfois même contradictoires. Combinée à l’extrême technicité des questions en jeu, cette multiplicité d’échelles et d’acteurs tend à brouiller les cartes des débats environnementaux. Le changement climatique, la protection de la biodiversité ou la désertification constituent autant d’exemples pour lesquels l’identification des causes et des solutions présente une grande complexité scientifique et technique.

Les problèmes environnementaux sont par ailleurs socialement perçus et construits, et sont stratégiquement appropriés et utilisés par une grande diversité d’acteurs. Les controverses scientifiques opposant les tenants du réchauffement climatique et les climato-sceptiques sont à cet égard un parfait exemple des luttes interprétatives entourant ces phénomènes, qui ne font donc pas l’objet d’une compréhension unanime et partagée faisant autorité. Recourir à une approche discursive des politiques publiques permet alors d’analyser les processus à travers lesquels les acteurs produisent du sens et façonnent des discours en vue de construire et d’infléchir les politiques environnementales. Par l’adoption de cette démarche, il s’agit notamment de démontrer que la formulation de nouvelles politiques est davantage le résultat d’activités discursives que d’un savoir scientifique neutre et objectif.

La présente contribution vise à démontrer l’apport théorique et méthodologique de l’analyse du discours pour étudier la construction de l’environnement comme objet d’action publique. Il rappelle dans un premier temps ce que nous entendons ici par « discours » et « analyse du discours ». Il présente ensuite les approches discursives des politiques publiques et propose des exemples d’application dans le domaine des politiques publiques environnementales. Cet article revient enfin sur l’approche dite de l’écologie politique qui porte une attention particulière à la production des discours environnementaux pour étudier les interactions entre environnement et société.

Définir le discours et l’analyse du discours

Qu’entend-on par « discours » ? Au sens du politologue Maarten Hajer, à qui l’on doit principalement l’introduction de l’analyse discursive dans le domaine de l’environnement, le discours est « un ensemble spécifique d’idées, de concepts et de catégorisations, qui sont produits, reproduits et transformés, à travers des pratiques, par lesquelles l’on donne du sens à des réalités physiques et sociales » (Hajer 1995 : 264, nous traduisons). Le discours, loin de n’être qu’un reflet de la réalité, est donc un moyen de façonner celle-ci. Maarten Hajer a développé les concepts de « ligne narrative » (« story line ») et de « coalition discursive » (« discourse coalition ») pour mettre en avant le rôle de l’argumentation dans la fabrication des solutions d’action publique et l’importance des agrégations d’acteurs dans l’imposition d’un discours spécifique. Hajer considère en effet que certaines constructions discursives (ou lignes narratives) influencent la construction des problèmes environnementaux et leur articulation à des solutions, en produisant du sens commun parmi des acteurs qui se mobilisent autour de ces lignes narratives, sans nécessairement partager les mêmes intérêts.

Ainsi, tout discours serait fonction de pratiques et de relations de pouvoir spécifiques qui déterminent son influence et son orientation (Hajer et Versteeg 2005). S’il parvient à s’imposer et à s’institutionnaliser, un discours peut alors infléchir les politiques mises en œuvre par des gouvernements ou des organisations internationales. Hajer montre ainsi comment la façon de présenter l’interdépendance de l’espèce humaine et de la nature dans le rapport Brundtland, avec une référence constante au « nous » dans le texte mais aussi dans le titre du rapport (« Notre avenir à tous ») a largement contribué à influencer les débats actuels sur le développement durable. Il explique notamment la très large approbation de ce rapport, qui est aujourd’hui une référence majeure dans le domaine de l’environnement et du développement durable, par la grande respectabilité dont étaient dotés les membres du Club de Rome à l’origine du rapport, qui ont formé une coalition discursive autour de ce récit d’un monde global et interdépendant (Hajer 1995 ; Zaccaï 2002). De la même manière, John Dryzek explique la prolifération de mesures environnementales adoptées par les Etats industrialisés dans les années 1970 par le succès de ce qu’il a appelé le « rationalisme administratif » (« administrative rationalism »), un discours mettant l’accent sur la technicité des questions environnementales, qui ne peuvent dès lors être traitées et résolues que par une élite bureaucrate et scientifique (Dryzek 1997).

Ainsi, ce sont moins les phénomènes environnementaux en soi qui intéressent les analystes des discours environnementaux, que la façon dont des acteurs, par le biais de pratiques discursives, de coalitions et de luttes interprétatives, donnent du sens à ces problèmes et les dotent de solutions.

L’analyse de discours, quant à elle, est née en France dans les années 1960, au croisement de plusieurs disciplines (sciences du langage, histoire, philosophie, etc.) partageant un intérêt commun pour les phénomènes langagiers replacés dans leurs contextes sociohistoriques. C’est notamment sous l’influence d’auteurs comme le philosophe Paul Ricœur ou le sociologue et historien Raymond Aron, que l’analyse du discours s’impose progressivement comme discipline à part entière (Bonnafous et Krieg-Planque 2013). En effet, c’est en réhabilitant le raisonnement des acteurs et en s’appuyant sur l’analyse de leurs productions discursives qu’ils font de l’articulation entre discours, interaction et contexte social une préoccupation structurante des sciences sociales.

Les méthodes de l’analyse du discours, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives, sont trop nombreuses pour être répertoriées ici. Cependant, on peut considérer qu’il s’agit de toutes celles visant à briser la linéarité du texte. Autrement dit, les méthodes utilisées permettent de mettre à jour la façon dont le contexte d’énonciation influe sur la structure des textes et des énoncés (lexicométrie, analyse distributionnelle, analyse automatique du discours, etc. Pour en savoir plus sur les méthodes de l’analyse du discours en sciences sociales, voir Boutet et Demazière 2011).

Les approches discursives des politiques publiques

Les approches discursives des politiques publiques se sont développées aux Etats-Unis dans les années 1980, en réaction aux théories dominantes du choix rationnel. Bien que multiples, ces approches, qui s’inscrivent dans une démarche constructiviste et qualitative, ont en commun de placer le discours, l’argumentation et plus généralement la question du « sens en action » au centre de leur analyse (Durnova et Zittoun 2013). Elles s’intéressent notamment à la subjectivité des acteurs, aux multiples interprétations que ces derniers déploient pour produire du sens, ainsi qu’au contexte dans lequel ils évoluent.

S’inspirant de la sociologie des problèmes publics, ces approches montrent que la politisation discursive des problèmes dépend non pas de la valeur intrinsèque ou objective de ces derniers, mais des significations qui leur sont attribuées par certains groupes sociaux en compétition. Les débats actuels autour de la formulation du problème des « migrations climatiques » sont à cet égard très révélateurs des luttes de pouvoir entre différentes coalitions d’acteurs cherchant à s’approprier, ou au contraire à rejeter, la responsabilité politique de ce problème public en construction (Baillat 2010).

Cette prise en compte du discours dans l’analyse des politiques publiques a finalement amorcé un « tournant argumentatif », notamment à la suite de la publication de l’ouvrage de Frank Fisher et John Forester en 1993, The Argumentative Turn in Policy Analysis and Planning. Ces derniers ont en effet mis en évidence le caractère construit, normatif et politique des connaissances produites par les acteurs, et l’importance de leur travail argumentatif pour infléchir les politiques publiques. Pour Fisher et Forester, cette approche argumentative est d’autant plus importante aujourd’hui que les problèmes politiques contemporains auxquels font face les gouvernements sont plus complexes et plus incertains.

Ce constat semble particulièrement s’appliquer aux questions environnementales, et notamment au changement climatique pour lequel la connaissance scientifique semble être devenue davantage une source d’incertitude, d’ambiguïté et de conflits que de neutralité. Plusieurs auteurs se sont alors intéressés à la formulation des politiques publiques environnementales, comme en témoigne le numéro spécial de la revue Journal of Environmental Policy and Planning (Feindt et Oels 2006). Sans dresser une liste complète de ces contributions, nous reviendrons sur les apports majeurs de ces auteurs à l’étude des discours environnementaux et de leurs effets sur l’action publique environnementale.

Les contributions de l’analyse du discours à l’étude des politiques environnementales

L’analyse du discours a fourni de précieux apports aux études portant sur les politiques environnementales. Si des termes semblent s’être imposés dans le champ environnemental au cours des dernières décennies (développement durable, principe de précaution, changement climatique, biodiversité, résilience, etc.), leur usage largement partagé par une pluralité d’acteurs ne signifie pas pour autant qu’ils revêtent les mêmes significations pour tous. Cette idée a notamment été développée par Maarten Hajer grâce aux concepts de « coalition discursive » et de « ligne narrative » exposés précédemment. Il montre comment une coalition discursive constituée d’experts, d’industriels et d’hommes politiques s’est établie en Grande-Bretagne autour du discours de la modernisation écologique, et dont l’argument central est que le contrôle de la pollution devait être intégré au système économique britannique. En d’autres termes, la notion de développement durable a constitué la ligne narrative principale de ce discours, qui a eu comme conséquence l’adoption du principe de précaution appliqué aux problèmes de pollution industrielle. Cette idée de développement durable, produit de la simplification d’arguments complexes, a permis le ralliement d’acteurs antagonistes au sein d’une coalition discursive qui a par la suite joué un rôle essentiel dans le débat sur les pluies acides en Grande-Bretagne (Hajer 1993).

Killingsworth et Palmer (1992) développent quant à eux la notion d’« ecospeak » pour mettre en exergue la politisation de la rhétorique environnementale. Cette dernière, sous l’effet des luttes entre différents groupes d’intérêt (communauté scientifique, médias, gouvernements, activistes, etc.) semble en effet se rapprocher davantage de ce que les auteurs nomment une « tour de Babel de discours » (« Babel of discourses ») que d’un discours uniforme et unifié. De façon similaire, les philosophes et linguistes Harré, Brockmeier et Mühlhäusler (1999) parlent de « greenspeak » pour analyser ces multiples positions discursives en compétition. A travers l’analyse de différents discours environnementaux, ces auteurs s’accordent pour dire que cette pluralité d’arguments et d’intérêts en présence explique en partie les difficultés à solutionner certains problèmes environnementaux.

La seconde contribution de l’analyse des discours aux études environnementales repose sur la mise en évidence des pratiques politiques et des biais qui peuvent sous-tendre ces discours. Dans son influent ouvrage intitulé The Politics of the Earth. Environmental Discourses, John Dryzek propose notamment une catégorisation des discours politiques en matière d’environnement (Dryzek 1997). Il dévoile en particulier les stratégies de certains acteurs dominants qui, dès lors que leurs intérêts semblent menacer par l’émergence de certains discours environnementaux, tentent d’en épouser les formes et le contenu pour mieux en tirer parti. Le discours relatif au développement durable, en cherchant à combiner croissance économique et conscience écologique, est selon Dryzek l’exemple le plus édifiant de ces stratégies d’acteurs. Mais ces dernières peuvent également viser, non pas à combiner des arguments en apparence contradictoires, mais à mobiliser différents discours sur un même enjeu environnemental, en fonction du contexte, des intérêts à défendre et des objectifs à atteindre. Ainsi, le changement climatique peut être alternativement traité comme un problème environnemental, économique, sécuritaire ou de développement, chacun de ces discours ayant des implications pour l’élaboration de la réponse politique à apporter. En s’intéressant à la manière dont les acteurs investissent stratégiquement des discours, ces études permettent de mieux appréhender la manière dont une situation est comprise, définie puis traitée comme un problème environnemental (Feindt et Oels 2006). De la même manière, le projet de recherche actuellement mené par Romain Felli au sein de l’Université de Genève et intitulé « The political life of an idea: resilience to environmental change in international organisations », s’intéresse à la diffusion et à la circulation de l’idée de « résilience » dans les discours officiels de certaines organisations internationales. Il cherche ainsi à apporter un éclairage nouveau aux transformations de la politique environnementale internationale en traitant de la manière dont le cadrage de l’adaptation au changement environnemental est en train de se mettre en place.

La dernière contribution de l’analyse du discours que nous pouvons évoquer ici tient à l’application du concept foucaldien de gouvernementalité aux études sur les politiques environnementales. Sans entrer dans une explication détaillée de ce concept, rappelons que Foucault désigne par ce terme une forme nouvelle de rationalité politique, libérale puis néolibérale, correspondant à une nouvelle conception de l’exercice du pouvoir, le biopouvoir. Le pouvoir ne serait plus uniquement répressif et autoritaire, mais au contraire productif et incitatif (Foucault 1976). Angela Oels s’est attachée à reprendre cette idée de gouvernementalité en l’appliquant à la gouvernance internationale du changement climatique. Elle établit un parallèle entre les transformations des modes de gouvernement dans les pays industrialisés – du biopouvoir au pouvoir néolibéral – et les évolutions des discours environnementaux – de la « gouvernementalité verte » (« green governmentality ») à la modernisation écologique. Foucault situe l’avènement du biopouvoir au XVIIIe siècle, lorsque le pouvoir monarchique de donner la mort est peu à peu remplacé par le pouvoir de gouverner et d’administrer la vie et les hommes. Selon Angela Oels, c’est encore dans cette configuration historique du pouvoir que le changement climatique est devenu gouvernable, notamment à travers l’établissement de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Oels 2005). En effet, dès les années 1970, le biopouvoir a consolidé l’idée qu’il fallait une gestion mondiale de la planète au nom de la protection de la vie sur terre. Ce discours de la « gouvernementalité verte » a progressivement laissé la place au discours de la modernisation écologique avec la consécration d’un nouveau mode de gouvernement dans les années 1990, celui de la gouvernance néolibérale. Dès lors, le changement climatique a de plus en plus été traité comme une problématique aux fortes implications économiques, appelant de ce fait des solutions basées sur le marché, dont le protocole de Kyoto signé en 1997 est la traduction la plus tangible. Angela Oels montre également comment le changement climatique est construit dans le discours de la modernisation écologique comme un enjeu de gouvernance globale nécessitant des solutions globales, occultant dès lors le potentiel d’action à l’échelle régionale, nationale et locale. Ainsi, la gouvernementalité néolibérale, en limitant les politiques de lutte contre le changement climatique à des mesures menées au niveau international et essentiellement tournées vers le marché, n’offre pas un espace de gouvernance à même de répondre efficacement et durablement aux défis du réchauffement climatique.

L’approche de l’écologie politique : une étude des relations entre environnement, discours et pouvoir

Si l’écologie politique ne peut pas être considérée comme une approche véritablement discursive des politiques environnementales, elle s’intéresse néanmoins aux discours politiques sur l’environnement, de par son postulat initial. Elle voit en effet les phénomènes environnementaux comme des objets socialement construits et devenus problématiques uniquement au regard des circonstances scientifiques, politiques, économiques et sociales qui transforment les représentations de l’environnement. L’origine de cette approche interdisciplinaire, née aux Etats-Unis, remonte aux travaux fondateurs de Piers Blaikie et Michael Watts dans les années 1980. Elle s’attache à comprendre les relations entre l’environnement et la société en centrant l’analyse sur trois facteurs : les intérêts économiques, les changements écologiques et les luttes politiques. S’appuyant sur l’étude des relations de pouvoir entre les acteurs évoluant dans le domaine de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles, l’écologie politique procède notamment d’une analyse des discours et des récits qui fondent les débats politiques dominants sur ces questions. Elle s’attache en particulier à confronter les discours aux faits, interrogeant les vérités environnementales scientifiquement établies, ainsi que les arguments sur lesquels sont établies les politiques publiques environnementales (Gautier et Benjaminsen 2012). Les auteurs se revendiquant de cette approche, par ailleurs souvent engagés politiquement, décortiquent les différents discours environnementaux afin de dévoiler les stratégies politiques des principales parties prenantes (gouvernements, multinationales, environnementalistes, etc.).

L’un des apports importants de ce courant est notamment son approche multiscalaire des discours et des pratiques en lien avec les questions environnementales. En articulant les discours locaux et globaux, et en les confrontant aux réalités locales, les géographes Adger, Benjaminsen, Brown et Svarstad montrent comment les discours environnementaux sont souvent déconnectés de ces particularismes locaux, car empreints de représentations erronées et pourtant largement partagées à l’échelle internationale (Adger et al. 2001).

Adger et ses collègues concentrent leur attention sur les discours environnementaux portant sur quatre grands enjeux : la déforestation, la désertification, la gestion et la préservation de la biodiversité, et le changement climatique. Pour mener à bien leur étude discursive, ils procèdent en trois temps : l’analyse des occurrences pour repérer les discours dominants, l’analyse des acteurs produisant, reproduisant et transformant ces discours, et les implications sociales et politiques de ces discours. Tout en soulignant l’existence de discours alternatifs et minoritaires, ces auteurs identifient in fine deux grands discours dominants et en compétition. Le premier discours, qu’ils nomment « gestion globale de l’environnement » (« global environmental management ») est principalement tenu par des organisations internationales et des gouvernements et véhicule une vision technocratique. Il promeut des solutions politiques imposées de l’extérieur aux acteurs locaux et supposées résoudre la crise environnementale globale. S’oppose à cela un « discours populiste » (« populist discourse »), porté cette fois par les organisations non gouvernementales et certains Etats ou groupes d’intérêts, notamment présents dans les pays en développement. Ce dernier dénonce l’approche managériale et technocratique des politiques environnementales actuelles, suggérant que les populations locales sont victimes de ces interventions extérieures qui accentueraient, plutôt que ne viendraient résoudre les dégradations environnementales et les formes d’exploitation locales. Si le discours technocratique l’emporte souvent sur le second, ces auteurs montrent aussi comment, dans certains cas, ils convergent, notamment autour de l’idée d’un changement irréversible et dramatique du climat menaçant l’ensemble de la planète. Tout en proposant une typologie des discours environnementaux, ces auteurs démontrent également l’intérêt d’analyser ces derniers pour mieux comprendre la façon dont les questions de gestion de l’environnement et du développement sont abordées au sein des grandes institutions internationales et des gouvernements en charge de développer et de financer les politiques environnementales.

Conclusion : Apports et limites de l’analyse du discours dans le champ des études environnementales

Qu’il s’agisse des approches discursives des politiques publiques ou de l’écologie politique, l’analyse du discours est riche d’enseignement pour les études sur les politiques environnementales. Elle rappelle avant tout le caractère socialement construit de ces enjeux environnementaux et des solutions visant à y répondre, ainsi que les stratégies développées par divers acteurs pour imposer leurs représentations et leurs intérêts parfois divergents au sein des institutions en charge de l’élaboration des politiques environnementales. Les approches discursives replacent ainsi les discours au centre de l’analyse des politiques publiques environnementales, en insistant d’une part sur les pratiques sociales dans lesquelles ils prennent place, et d’autre part en abordant autrement les questions de pouvoir, de légitimation et de gouvernance auxquels les processus d’action publique renvoient. Autrement dit, interroger les discours environnementaux revient à interroger les fondements même des politiques environnementales, en révélant les productions discursives qui les sous-tendent.

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