Les liens de la frontière. Enjeux des circulations autour de la frontière indo-népalaise

Par Tristan Bruslé
Comment citer cet article
Tristan Bruslé, "Les liens de la frontière. Enjeux des circulations autour de la frontière indo-népalaise", CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne], consulté le 20/04/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part3/les-liens-de-la-frontiere-enjeux-des-circulations-autour-de-la-frontiere-indo-nepalaise

Une frontière stable depuis 1860

L’État népalais s’est constitué à la fin du XVIIIe siècle à partir du centre actuel du pays. À son extension maximale en 1815, il s’étendait à l’ouest jusqu’à la rivière Sutlej et à l’est jusqu’à la Teesta. Il incorporait les terres de basse altitude des anciennes royautés annexées. Après une défaite militaire contre la Compagnie des Indes orientales, l’Inde prend possession des terres situées à l’ouest de la rivière Mahakali et à l’est de la Mecchi et le Téraï de l’Ouest. Ces pertes sont officialisées par le traité de Ségauli (1816). En 1860, les terres du Téraï occidental seront restituées au Népal en récompense du soutien du pays - par l’envoi de mercenaires gurkhas - à l’écrasement de la révolte des Cipaye en 1857. Les frontières actuelles n’ont subi depuis que d’infimes variations. Elles n’en restent pas moins contestées sur certaines parties de leur tracé.

Les Népalais qui prônent le retour au grand Népal (Greater Nepal) de 1815 sont très minoritaires. Mais pour la majorité de la population, deux occupations territoriales restent emblématiques des rapports de puissance déséquilibrés entre l’Inde et le Népal. La première est celle de Kalapani, à la frontière nord-ouest séparant le Népal de l’Inde et de la Chine. Depuis 1962, l’armée indienne y occupe 372 km² de territoire népalais, pour contrôler un col qui permet le passage depuis le Tibet. L’Inde occupe aussi le territoire de Susta, espace encore plus petit de 148 km². Elle est le fait de paysans indiens ayant suivi le cours changeant de la rivière Narayani à la frontière sud. Selon les médias népalais, ces atteintes à la souveraineté du pays vont parfois de pair avec la pénétration des forces indiennes au Népal et ou le déplacement de villageois népalais. L’ambassade indienne à Katmandou nie généralement ces faits que les partis politiques népalais utilisent pour mobiliser l’opinion publique, le sentiment anti-indien étant largement partagé dans la population népalaise. Malgré la réunion régulière de commissions indo-népalaises de vérification de la ligne frontalière et l’emplacement des piliers, les contentieux demeurent.

La circulation des hommes entre les montagnes et la plaine est ancienne. Elle a été accentuée par le développement du capitalisme dans l’Inde britannique. Migrations de travail, de peuplement, de commerce ou de transhumance, les formes de circulation entre les régions himalayennes et la plaine du Gange ont été multiples. Le peuplement actuel de l’État indien du Sikkim ou du district de Darjeeling (État du Bengale occidental) où la majorité de la population est d’origine népalaise en témoigne. L’important pourcentage de population d’origine indienne dans la plaine du Téraï installée à partir du XIXe siècle pour défricher cultiver et payer des impôts, est aussi la manifestation d’une perméabilité ancienne de la frontière. Cette réalité demeure aujourd’hui.