La frontière inter-coréenne, par-delà la guerre froide

Par Justine Guichard
Comment citer cet article
Justine Guichard, "La frontière inter-coréenne, par-delà la guerre froide ", CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne], consulté le 19/04/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part3/la-frontiere-inter-coreenne-par-dela-la-guerre-froide

La frontière qui sépare la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) et la République de Corée (Corée du Sud) consiste en une bande de terre de 239 km de long et 4 m de large serpentant de part et d’autre du 38e parallèle. Elle correspond à la ligne de cessez-le-feu fixée le 27 juillet 1953 à l’issue de la guerre de Corée (1950-1953), théâtre pionnier du conflit est-ouest dont il est considéré comme la première « guerre chaude ». Ironiquement baptisée la DMZ  (Demilitarized Zone), la frontière coréenne s’apparente à un champ de mines le long duquel se font face, en permanence, deux armées techniquement en état de guerre puisque aucun traité de paix n’a soldé le conflit inter-coréen. Elle appartient donc à la catégorie géopolitique des frontières chaudes.

Si la division coréenne n’a pas été emportée par la fin de la guerre froide, c’est bien que les dynamiques qui la sous-tendent et la maintiennent ne correspondent plus aux logiques de l’affrontement entre les deux blocs. Certes, le rôle de ce conflit a été structurant dans la genèse comme dans la perpétuation de la division, mais la rivalité est-ouest ne rend pas compte de la complexité de cette frontière au regard de l’histoire politique et sociale de la péninsule d’une part et au regard des dynamiques propres à l’ordre régional auquel elle participe d’autre part. La partition a bien représenté un artefact imposé au peuple coréen, mais des logiques de division internes sont très vite venues s’y greffer, contribuant à l’enraciner, ce qui explique sa survivance. La frontière entre les deux Corées recouvre également des clivages liés à la scène régionale de l’Asie du nord-est.

Comprendre la frontière coréenne revient donc à s’aventurer par-delà la guerre froide: chronologiquement bien sûr, car vingt ans après la chute du bloc soviétique et la fin de la rivalité de Moscou et de Washington, la frontière demeure ; du point de vue de l’analyse ensuite, afin de restituer le rôle des acteurs de premier plan que sont les deux Corées elles-mêmes et les autres puissances d’un ordre régional désormais multipolaire (États-Unis, Chine, Japon, Russie).