L'institutionnalisation de la coopération transfrontalière en Europe

Par Thomas Perrin
Comment citer cet article
Thomas Perrin, "L'institutionnalisation de la coopération transfrontalière en Europe", CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne], consulté le 16/04/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/linstitutionnalisation-de-la-cooperation-transfrontaliere-en-europe

La convention de Madrid, un des actes fondateurs de l’institutionnalisation de la coopération transfrontalière, a été dès le départ instrumentalisé par certains États, conditionnant son application à la signature d’accords interétatiques préalables pour encadrer les modalités de la coopération, comme par exemple l’Accord de Rome de 1993 entre la France et l’Italie, l’accord de Karlsruhe entre la France, l’Allemagne, le Luxembourg et la Suisse en 1996 ou encore le traité de Valence signé en 2002 entre l’Espagne et le Portugal. Ainsi, l’action du Conseil de l’Europe doit passer sous les fourches caudines de la diplomatie interétatique, et ce d’autant plus que la coopération transfrontalière relève du domaine des relations extérieures des collectivités, parfois nommé coopération décentralisée ou paradiplomatie, dont les États continuent de déterminer les marges de manœuvre et les conditions de développement.

Même si l’Union européenne fait figure d’organisation intégrée, les États-membres restent des opérateurs incontournables des politiques communautaires. Ils négocient les financements et établissent les cadres de référence stratégique nationaux qui vont déterminer la répartition des fonds et les priorités d’intervention, même si, dans certains États fédéraux ou régionalisés, les autorités subétatiques peuvent participer au processus. On a même pu constater une certaine reprise en main de la coopération transfrontalière de la part des États entre les programmes INTERREG I et II. Pour la programmation 2007-2013, seules l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Italie et l’Irlande affichent une décentralisation intégrale des fonds structurels. En France, pour l’objectif « coopération territoriale », l’État a décentralisé les autorités de gestion des programmes tout en conservant un engagement de ses services déconcentrés avec la désignation de préfets de région coordonnateurs des programmes. Concernant la création de GECT, le règlement communautaire rappelle que les États doivent donner leur accord quant à la participation des membres potentiels sur leurs territoires respectifs. En France, une autorisation préfectorale officialise cette création.

De manière générale, les gouvernements centraux gardent la main sur la gouvernance communautaire par l’action du Conseil européen et du Conseil de l’Union européenne, notamment dans un contexte post-élargissement de remontée de l’intergouvernementalisme en Europe (Sauron, 2009).Or une telle situation n’a pas empêché la montée en puissance de la coopération transfrontalière. Ce sont bien in fine les États qui ont décidé de l’évolution des programmes communautaires. La France, réputée fortement centralisatrice, a largement soutenu la création du GECT.