Les Irakiens en Syrie et en Jordanie : régimes d'entrée et de séjour et effets sur les configurations migratoires

Par Géraldine Chatelard et Mohamed Kamel Doraï
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Géraldine Chatelard et Mohamed Kamel Doraï, "Les Irakiens en Syrie et en Jordanie : régimes d'entrée et de séjour et effets sur les configurations migratoires", CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne], consulté le 25/04/2024, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/les-irakiens-en-syrie-et-en-jordanie

La chute de Saddam Hussein en 2003 et le changement de régime en Irak ont eu un impact important sur les flux migratoires en provenance de ce pays. La Syrie et la Jordanie sont les deux pays voisins qui connaissent l'afflux de réfugiés et les circulations migratoires les plus importants. Pour les réfugiés, ces deux pays sont à la fois des lieux d'asile territorial et des espaces de transit mais aussi d'installation sur le moyen terme. Les villes et, en particulier, les capitales Damas et Amman, sont les principales centralités migratoires des Irakiens. En l'absence de lieux de regroupement imposés par les autorités,.différentes catégories de migrants s’y rassemblent, y compris ceux enregistrés auprès du HCR, l'agence des Nations unies pour les réfugiés.
 

La nature de l'émigration irakienne est beaucoup plus complexe que celle d’un flux de réfugiés. D'une part, l'arrivée des réfugiés ne s'est pas produite en une ou deux vagues principales mais s'est construite sur la durée, avec des temps d'exil ponctués parfois de retours puis de départs définitifs. D'autre part, les circulations migratoires des Irakiens entre l'Irak et la Syrie ou la Jordanie sont intenses, tout comme les circulations de biens, de marchandises, de capitaux, d'informations mais aussi les échanges symboliques. Damas et Amman jouent, en effet, le rôle de bases arrières ou de « frontières » sécurisées de l'Irak pour les entrepreneurs, pour les élites politiques et professionnelles et pour d'autres catégories privilégiées de la population irakienne qui ont accès à la mobilité transfrontalière, au point que l'on peut parler, pour cette catégorie de migrants, de circulations trans-locales entre Bagdad et Amman ou Damas. La réalité est encore plus difficile à saisir si l'on considère que beaucoup, parmi les migrants irakiens, sont à la fois des réfugiés au sens sociologique, et parfois juridique, du terme et engagés dans, ou aspirant à, des circulations transfrontalières. Enfin, aussi bien en Syrie qu'en Jordanie, on peut noter l'importance des liens transnationaux avec les diasporas irakiennes plus lointaines.

Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour expliquer les tendances migratoires actuelles. En premier lieu, le contexte d'insécurité irakien qui a bien sûr varié dans le temps et la sécurité des individus, inégale selon le lieu où l’on vit et la catégorie sociale à laquelle on appartient. Ensuite, la combinaison de plusieurs préoccupations chez les migrants irakiens : la sécurité pour soi-même et les membres de la famille face à la violence et aux difficultés économiques mais également le souci de préserver l'unité de la cellule familiale et d'accéder à des ressources économiques. La mobilité entre plusieurs pays est souvent une condition essentielle pour permettre de combiner au mieux ces préoccupations. Enfin, les modalités d'accès et de séjour dans les pays voisins d'émigration secondaire que nous allons détailler.

La Syrie et la Jordanie ont plusieurs points communs en matière d'accueil des Irakiens sur leur sol. Toutes deux sont, de longue date, des pays de transit et d'installation plus ou moins longue pour les Irakiens, une tradition qui s’est poursuivie après 2003, même si l'ampleur des vagues migratoires et le profil des populations irakiennes ont varié dans le temps. Par ailleurs, les deux pays, bien qu'ils accueillent - ou ont accueilli - différentes populations réfugiées sur leur sol (en particulier un grand nombre de Palestiniens), ne sont pas signataires de la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés et ne possèdent pas de politique d'asile particulière ni de procédure de détermination du statut de réfugié. En Syrie comme en Jordanie, les modalités d'entrée et de séjour des Irakiens sont fondées sur le régime général de l'immigration. Un système spécifique a été progressivement mis en place pour les ressortissants irakiens. Au-delà des similarités, la gestion des flux migratoires irakiens par ces deux États est très contrastée pour des raisons tenant à la géopolitique et à l'économie politique.

 La Syrie : de la libre circulation à l’ouverture sélective de la frontière

Bien que la frontière entre la Syrie et l'Irak ait été officiellement fermée entre 1982 et 1997, quelques dizaines de milliers d'Irakiens s'y sont exilés à la suite de la guerre du Golfe de 1990-1991 et tout au long des années 1990 en raison du contexte politique mais aussi des difficultés économiques de l'Irak alors sous embargo international. Tandis que quelques milliers ont poursuivi leur émigration, le HCR estime qu'en 2003, avant le conflit en Irak, entre 60 000 et 70 000 Irakiens résidaient en Syrie. Un mouvement de retour s'est amorcé entre la chute du régime de Saddam Hussein et 2004, date à laquelle de nouveaux réfugiés sont venus trouver asile en Syrie. Tout d'abord des membres du parti Ba'th anciennement au pouvoir, puis des citadins, surtout en provenance de Bagdad, fuyant les attaques ciblées contres les intellectuels et les membres des professions libérales ou la criminalité généralisée puis, à partir du début 2006, les violences interconfessionnelles. Les premiers arrivés étaient des personnes assez aisées qui pensaient ne rester qu’une période limitée. Ils se sont assurés un permis de séjour en Syrie en investissant dans le commerce, l'industrie ou l'immobilier ou en trouvant un emploi dans le secteur tertiaire, en particulier dans l'enseignement supérieur. À partir de 2006, de plus en plus d'Irakiens défavorisés cherchent refuge en Syrie. Ils sont issus aussi bien des zones urbaines que des zones rurales et arrivent sans capital économique et avec beaucoup moins de bagage éducatif ou professionnel que le groupe précédent.



Entre le début du conflit irakien en avril-mai 2003 et le début 2007, la Syrie a ouvert sa frontière aux Irakiens qui ont bénéficié du même régime d'entrée et de séjour très souple que celui appliqué aux autres ressortissants arabes : un visa d'entrée universel obtenu à la frontière, la possibilité de séjourner en Syrie par périodes de trois mois renouvelables en sortant du pays et en entrant à nouveau immédiatement, la possibilité de chercher du travail sur place, le tout en accédant aux services sociaux (éducation, santé). Un contrat de travail ou des investissements, comme l'achat d'un logement, ouvrent le droit à un séjour d'un an renouvelable. Cependant, seule une minorité d'Irakiens a pu sécuriser son séjour, peu d’entre eux disposant de capital et le marché de l'emploi syrien étant pu facile d’accès.

Au premier semestre 2007, face à l'afflux d'Irakiens fuyant les violences diverses et l'insécurité économique, la Syrie amorce un changement de ses politiques d'entrée et de séjour, sans toutefois fermer totalement l'accès à son territoire. Dans un premier temps, la durée du visa d'entrée accordé aux Irakiens à la frontière est réduite à un mois renouvelable par sortie et nouvelle entrée. Ensuite, l'entrée des Irakiens est restreinte, fin 2007, à quinze catégories de personnes qui peuvent obtenir un visa sur présentation de pièces justificatives : il s'agit de visites pour des raisons professionnelles, pour études ou traitement médical ; sont autorisés également à entrer les conducteurs de camion et de taxi qui font la navette entre la Syrie et l'Irak, les Irakiens possédant une résidence dans un pays tiers, ou ceux transitant par la Syrie pour se rendre dans un pays tiers ou rentrer en Irak. Ce visa d'un mois peut actuellement s'obtenir à la frontière sur présentation de justificatifs et contre paiement de 50 dollars américains.

Les conséquences de la mise en place du visa sélectif et payant ont été multiples. D'une part, le nombre d'entrées des Irakiens a largement diminué. D'autre part, les circulations entre la Syrie et l’Irak ont connu une baisse. Par ailleurs, un certain nombre d'Irakiens, parmi les plus pauvres et demeurant en Syrie sans titre de séjour, sont repartis en Irak plutôt que de demeurer en situation irrégulière. La seule infraction au séjour ne constituant pas un motif de reconduite à la frontière, une des conséquences principales de l'instauration de ce visa a été de créer en Syrie un groupe de résidents de fait, mais qui ne peuvent légaliser leur situation et être mobiles entre la Syrie et l'Irak. En effet, parmi ceux arrivés en Syrie avant l'introduction des nouvelles mesures qui ne bénéficient pas de titres de séjour, beaucoup ne peuvent ou ne veulent pas retourner en Irak durablement et n'ont pas les moyens de couvrir les frais induits par le renouvellement mensuel d'un visa et les justificatifs nécessaires qu'il est possible d'obtenir sur le marché noir en Syrie ou en Irak.


L'État syrien n'a ni les capacités ni la volonté d'expulser les dizaines de milliers d'Irakiens en situation irrégulière sur son territoire. Ces mesures d'entrée sélectives sont cependant bien destinées à opérer une sélection parmi les migrants, en endiguant de nouveaux flux d'Irakiens aux revenus les plus modestes et en incitant ceux qui sont dans l'irrégularité à quitter la Syrie, le tout dans un contexte de crise économique et d'inflation aiguë où une large partie des Irakiens est en compétition pour les ressources et les emplois informels avec les Syriens.

La Jordanie : une circulation migratoire sous contrôle croissant

Entre la guerre du Golfe de 1990-1991 et la chute du régime ba'thiste au printemps 2003, la Jordanie est le seul pays voisin de l'Irak à autoriser sans condition l'accès des Irakiens sur son territoire par un visa d'entrée renouvelable de trois mois obtenu à la frontière. Personnes, biens et capitaux circulent dans les deux sens. A cette époque, et cela se poursuivra après le changement de régime en Irak en 2003, il faut distinguer trois types de flux migratoires : la circulation de l'élite économique et politique qui vient en Jordanie pour accéder à des offres de services indisponibles dans son pays ou à des marchés inaccessibles du fait de l'embargo international ; les migrations de travail de la classe moyenne éduquée vers la Jordanie ou en transit vers d'autres pays arabes importateurs de main d'œuvre qualifiée et enfin les réfugiés qui fuient la répression exercée par le régime ou les violences locales. L'entrée en Jordanie n’est pas problématique contrairement à la sortie d'Irak, le régime de Saddam Hussein exerçant un contrôle sur la mobilité internationale de ses ressortissants. Il faut bénéficier d'un fort capital financier ou relationnel pour contourner ces restrictions. Cela concerne également ceux qui fuient le pays et doivent payer faux papiers ou passeurs. La Jordanie est sans doute le principal pays de transit pour le demi-million d'Irakiens qui dépose une demande d'asile sur le territoire ou dans l’ambassade d'un pays occidental, bénéficie des programmes de réinstallation du HCR ou migre, via le regroupement familial, entre 1991 et 2003. Selon certaines estimations, il y a, fin 2002, environ 300 000 Irakiens en Jordanie que l'on peut rattacher à l'une ou l'autre des catégories migratoires.

Les restrictions sur la sortie sont levées avec la chute de Saddam Hussein. Entre 2003 et 2004, comme depuis la Syrie, un mouvement de retour touche certains des Irakiens de Jordanie. Au même moment, d'autres quittent l'Irak pour des motifs politiques, familiaux ou personnels. Certains transitent par la Jordanie vers d'autres pays arabes ou des pays occidentaux. D'autres s'installent plus durablement en obtenant un titre de séjour grâce à des investissements ou à un contrat de travail. D'autres enfin font renouveler leur visa de touriste tous les trois mois et sont dans une situation d'attente en Jordanie face aux évolutions de la situation en Irak.

À la suite d'attentats à Amman en novembre 2005, dont les auteurs sont identifiés comme irakiens, les conditions d'entrée et de séjour des Irakiens se durcissent progressivement. Dans un premier temps, un filtrage est opéré aux frontières rendant l'entrée des Irakiens beaucoup moins systématique. Les individus identifiés comme chiites et les hommes âgés de 16 à 35 ans sont souvent refoulés. La durée du séjour autorisée par le visa est réduite à un mois, voire moins. En janvier 2008, la Jordanie met en place un visa sélectif selon des critères similaires à ceux exigés par la Syrie. De fait, le nombre d'entrées en Jordanie a considérablement baissé depuis le début 2006 alors même qu’au début de cette année, les violences interconfessionnelles entraînent un très grand nombre de déplacements forcés à l'intérieur et hors d'Irak. L'immense majorité des Irakiens actuellement en Jordanie appartient à la classe moyenne éduquée d'origine citadine, la plupart du temps de Bagdad, tandis que la proportion de chiites est bien moins élevée qu'en Syrie. En revanche, les circulations des élites politiques, économiques et professionnelles irakiennes entre Bagdad et Amman continuent sans entrave, tout comme celles des Irakiens qui viennent étudier ou se faire soigner en Jordanie.

Contrairement à la Syrie, l'instauration du visa n'a pas engendré de retours importants depuis la Jordanie, l'entrée étant déjà largement contrôlée avant la mise en place de cette mesure. Cependant, comme en Syrie, cette mesure a crée de l'irrégularité et du confinement. L'absence de statut légal et de perspectives économiques et l'impossibilité d'être mobile vers l'Irak conduisent de nombreux Irakiens à quitter la Jordanie pour des pays tiers en activant leurs réseaux au sein de la diaspora, en épuisant leurs ressources financières pour payer des passeurs ou en se présentant au HCR en vue d'une réinstallation.

Les restrictions sur les entrées mises en place par la Jordanie dès 2005 ont donc eu pour effet de rediriger le flux des réfugiés vers la Syrie, d'opérer le tri des migrants sur des bases confessionnelles, économiques et professionnelles et de modifier la distribution démographique des flux migratoires au niveau régional. Alors que, jusqu'en 2005, la Jordanie était le premier pays arabe de la région en termes de flux et de stock de statistiques de migrants irakiens, ce rôle est désormais dévolu à la Syrie.

Des régimes migratoires qui limitent la mobilité transfrontalière

Dans les deux pays, les régimes d'entrée sélectifs pénalisent les Irakiens les plus vulnérables en terme de sécurités personnelle et économique et ont des effets notables sur les flux et les configurations migratoires. Ils empêchent, par exemple, la sortie d'Irak de ceux qui sont soumis à l'insécurité et à la violence et qui disposent d’un faible capital financier ou social. Dans les pays d’accueil, ils pénalisent ceux qui s’y trouvent en créant de l'irrégularité parmi les Irakiens les plus défavorisés qui ne peuvent maintenir des circulations trans-frontalières en vue d'assurer la légalité de leur séjour.


La politique de visa, en limitant les possibilités de circulation, pénalise également ceux qui cherchent à maintenir des liens avec l'Irak en accédant à des ressources, par exemple via une activité économique, soit pour assurer la survie des familles réfugiées en Jordanie ou en Syrie, soit en vue de se réétablir en Irak dans le futur. Face aux difficultés de circulation, de plus en plus d'Irakiens vendent les biens, en particulier immobiliers, qu'ils avaient conservés en Irak. Cela immobilise les personnes dans leur pays d’accueil, non pas nécessairement parce qu'elles ne peuvent pas retourner en Irak, mais parce qu’elles craignent de ne pas être admises à revenir dans un pays voisin. Ces régimes ont également pour effet de rendre plus durable la séparation des familles et leur dispersion dans plusieurs pays. De ce fait, la difficulté croissante à circuler entre l'Irak et les pays voisins est un élément important dans la décision de chercher un exil durable dans des pays tiers généralement en Europe, en Amérique du Nord ou en Australie.

Les migrations secondaires face aux restrictions des pays industrialisés

Au regard du nombre d'Irakiens accueillis dans les pays voisins, le majeure partie des pays industrialisés – à l'exception notable de la Suède jusqu'en 2008 – ont majoritairement fermé leurs portes aux réfugiés et demandeurs d'asile irakiens, leur octroyant au compte-gouttes le statut de réfugiés. L'Union européenne est la principale destination des réfugiés irakiens (plus de la moitié des demandes d'asile), bien que des pays comme l'Australie, les États-Unis ou le Canada en accueillent également quelques milliers sous divers statuts.

L'évolution récente des demandes d'asile montre que les principaux pays d'accueil (Suède et Grèce) ont mis en place des politiques visant à limiter l'arrivée et l'accès à la demande d'asile des réfugiés irakiens. D'autres Etats, tels que l'Allemagne et la France, ont mis en place des programmes spécifiques visant l'accueil d'un nombre limité de réfugiés sélectionnés. Ces chiffres sont le résultat des politiques d'asile restrictives mises en œuvre dans de nombreux pays européens, qui combinent un accès difficile à la demande d'asile et assimilent les demandeurs potentiels à des migrants illégaux avec des taux de reconnaissance très faibles visant à décourager les nouvelles arrivées.

Alors que les pays développés ont maintenu et/ou développé des politiques restreignant l'arrivée des demandeurs d'asile irakiens sur leur sol, les politiques de réinstallation préconisées par le HCR demeurent elles aussi limitées et ne concernent qu'une infime fraction des réfugiés présents en Syrie et en Jordanie. Depuis février 2007, 19 000 réfugiés ont été réinstallés dans des pays tiers, dont un peu plus de 13 000 aux États-Unis (UNHCR Syria at a glance, 2010, Damas), ces chiffres étant très nettement inférieurs aux personnes proposées à la réinstallation par le HCR.

Face à l'instabilité qui perdure en Irak et à la fermeture des portes de nombreux pays occidentaux aux demandeurs d'asile et donc à la difficulté pour les Irakiens de voyager, les mariages avec des Irakiens de la diaspora venus d'Australie, du Canada, des États-Unis, de Suède ou d'Allemagne se multiplient  à Damas ou à Amman. Leurs conjoints ou conjointes les rejoignent ensuite grâce au regroupement familial. Dans l'exil, les écarts se creusent entre les familles qui ont d'importantes connexions locales et/ou transnationales et celles qui ont un accès limité aux ressources et à la mobilité.

Les régimes gouvernant l'entrée et le séjour des Irakiens en Syrie et en Jordanie ont pour effet de créer des différentiations sociales et spatiales. D'une part, ces régimes jouent un rôle dans la distribution actuelle des migrants irakiens entre les deux pays en terme de volume et de profil socioéconomique. D'autre part ces régimes, en créant différentes catégories de migrants, induisent un différentiel d'accès à la sécurité via la mobilité, produisant de nouvelles stratifications sociales et forçant les migrants les moins privilégiés à adapter leurs projets migratoires. La diversité des expériences migratoires, leur inscription dans des temporalités plus ou moins longues et leurs logiques plurielles (asile, refuge temporaire, transit, commerce, pèlerinage) sont des éléments qui caractérisent aujourd'hui la migration irakienne en Syrie et en Jordanie. La majeure partie des Irakiens peut être considérée comme réfugiée, mais l'absence de reconnaissance de ce statut par les autorités des pays d'accueil rend son installation précaire et réversible. Si les mieux dotés en capital économique et social ont réussi à stabiliser leur situation juridique et/ou socioprofessionnelle dans leur pays d'accueil, beaucoup d'Irakiens connaissent une baisse importante de leur niveau de vie et ne peuvent pas trouver du travail. Ce facteur, couplé à la difficulté de maintenir des liens tangibles avec l'Irak et l'intégrité de la cellule familiale par la circulation transfrontalière, incite un grand nombre à tenter d'émigrer de façon légale ou illégale dans un contexte où les principaux pays d’accueil hors du Moyen-Orient tendent à fermer leurs portes.

Références

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